DE L’URGENCE D’OUVRIR UN CHANTIER POUR RENOUVELER LA SOCIAL-DÉMOCRATIE AU QUÉBEC (Le Devoir, 2 septembre)

par Benoît Lévesque, Marilyse Lapierre, Michel Doré, Yves Vaillancourt
2 septembre 2009 Article publié dans: | Délibération publique

Réfléchissant à la conjoncture politique et économique actuelle et constatant qu’après le socialisme réel, le néolibéralisme avait lui aussi beaucoup de plomb dans l’aile, quelques personnes, préoccupées par le progrès social et un développement économique durable, ont pensé que la social-démocratie pouvait aujourd’hui être considérée comme la voie de l’avenir, à condition de procéder, avec autant de générosité que de lucidité, à une réflexion conduisant à son renouvellement en profondeur. Ce document n’a pas la prétention d’être ni un manifeste ni une plateforme politique, mais se veut plutôt un document de travail. L’idée d’ouvrir un chantier pour évaluer toutes les coutures d’une social-démocratie ajustée aux temps présents et prenant en compte les impératifs du futur a fait son chemin. Le projet consiste à interpeller tant les leaders politiques que ceux de la société civile afin qu’un véritable débat de société prenne place. D’ici la tenue d’un colloque national sur la question en 2010, des rencontres sectorielles sont prévues. Le présent texte, présenté en deux temps, est un condensé du document de travail qu’on trouve à la page d’accueil (voir Présentation de la coalition).

Réfléchissant à la conjoncture politique et économique actuelle et constatant qu’après le socialisme réel, le néolibéralisme avait lui aussi beaucoup de plomb dans l’aile, quelques personnes, préoccupées par le progrès social et un développement économique durable, ont pensé que la social-démocratie pouvait aujourd’hui être considérée comme la voie de l’avenir, à condition de procéder, avec autant de générosité que de lucidité, à une réflexion conduisant à son renouvellement en profondeur. Ce document n’a pas la prétention d’être ni un manifeste ni une plateforme politique, mais se veut plutôt un document de travail. L’idée d’ouvrir un chantier pour évaluer toutes les coutures d’une social-démocratie ajustée aux temps présents et prenant en compte les impératifs du futur a fait son chemin. Le projet consiste à interpeller tant les leaders politiques que ceux de la société civile afin qu’un véritable débat de société prenne place. D’ici la tenue d’un colloque national sur la question en 2010, des rencontres sectorielles sont prévues. Le présent texte, présenté en deux temps, est un condensé du document de travail qu’on trouve à la page d’accueil (voir Présentation de la coalition).

En 1989, la chute du mur de Berlin annonçait avec éclat l’échec du communisme, la fin d’un monde divisé en deux grands blocs et les limites du tout à l’État et de l’économie dirigée. Plusieurs ont alors célébré, mais de façon prématurée, l’entrée du capitalisme néolibéral dans une période d’âge d’or. Sauf qu’est arrivée une crise financière et économique qui a dévasté les États et les entreprises. Si elle ne signifie pas la fin du capitalisme, cette crise met par contre en évidence tant les limites d’une régulation exclusivement marchande que la nécessité d’innover. Non seulement pour répondre aux urgences, mais surtout pour préparer une sortie de crise ouverte sur le développement soutenable et plus équitable. Désormais, après les désastres qu’il a causés, le néolibéralisme ne peut plus prétendre s’imposer en plaidant l’efficacité économique.

Paradoxalement, ce double échec historique rend possible et surtout souhaitable un retour à la social-démocratie. Cette dernière demeure la seule force politique dont la trajectoire historique est compatible avec un engagement sans réserve du côté d’une démocratie ouverte à une participation citoyenne active. Ce retour, accompagné du renforcement de la démocratie, peut être prometteur. À la condition, toutefois, d’accepter de travailler à son renouvellement en profondeur, notamment sur le plan de pratiques et de politiques adaptées à notre temps.

Nécessaire et ambitieuse, cette tâche ne peut être menée à terme sans l’ouverture d’un chantier faisant appel à toutes les personnes qui veulent y contribuer. Ce renouvellement exige, on l’aura compris, le dépassement de certaines ambiguïtés et le contournement de certains écueils propres à la social-démocratie contemporaine.

La social-démocratie ?

Comme pour la démocratie, la social-démocratie ne constitue pas un modèle coulé dans le béton, mais une expérience historique en évolution. Les expériences social-démocrates ont varié dans le temps selon les partis et les pays qui s’en sont réclamés, aussi bien en Angleterre qu’en Allemagne, par exemple. De même, après les succès que plusieurs pays scandinaves ont connus sous cette bannière, plusieurs échecs sont ensuite apparus, qui ont conduit à des défaites électorales. Au Canada, quelques provinces ont porté le Nouveau Parti Démocratique au pouvoir. Au Québec, aucune percée la moindrement significative n’a pu être réalisée en provenance du NPD ou du CCF. Par contre, même si aucun parti y ayant exercé le pouvoir n’a porté cette étiquette, plusieurs mesures progressistes d’inspiration social-démocrate ont été mises en place. Depuis la Révolution tranquille, les divers gouvernements québécois ont mis en avant certaines politiques et mesures d’inspiration social-démocrate. Ils ont même adopté des mesures dont certaines relèvent d’un renouvellement de la social-démocratie, en dépit d’une vague néolibérale qui s’y opposait.

Il est difficile de proposer une seule évaluation de l’expérience social-démocrate. Certains estiment qu’elle a transformé le capitalisme ; d’autres sont convaincus du contraire. Il demeure qu’à l’heure actuelle, la social-démocratie représente la seule orientation politique encore capable de prendre le pouvoir et de réaliser des réformes qui vont dans le sens de l’intérêt général et du bien commun. Dans cette perspective, la social-démocratie peut être regardée à partir des angles suivants : une base sociale relativement stable et large d’adhérents et de militants ; des valeurs qui vont dans le sens de la démocratie, de l’égalité et de la liberté ; une vision de la société et du rôle positif de l’État, en référence à un intérêt général et au bien-être de la majorité ; une manière de réguler les conflits sociaux par la négociation et la concertation ; des politiques et des mécanismes institutionnels qui permettent d’harmoniser les développements économique et social ; un positionnement dans l’économie mondiale et la recherche d’alliances. Sa réactualisation suppose ainsi à la fois une réaffirmation des valeurs de base qui la fondent et un effort de renouvellement des pratiques et des politiques que commandent les grandes transformations récentes.

Les partis ou encore les projets qui s’inspirent de la social-démocratie peuvent être qualifiés comme tels dans la mesure où ils partagent, avec plus ou moins d’intensité, la plupart de ces éléments qui se renforcent les uns les autres pour former un système. Certains de ces éléments, notamment des politiques et mécanismes institutionnels, peuvent parfois être mis en avant par des partis chrétiens-démocrates ou même libéraux.

Proposition d’un chantier

Un retour au type de social-démocratie qui a émergé après les années 1930 n’est pas possible. En conséquence, il faut identifier quel renouvellement en profondeur est exigé si, tout en se tournant résolument vers l’avenir, on veut réaffirmer les valeurs de base de la tradition social-démocrate.

Nos sociétés ont connu plusieurs mutations. La stabilité de la famille traditionnelle allant de soi, le plein emploi et une grande partie du système de protection sociale avaient été le plus souvent pensés à partir d’une seule source de revenu par famille. La culture et les valeurs ont également évolué qualitativement, comme le laissent voir aussi bien l’émergence de valeurs liées aux nouveaux problèmes éthiques contemporains que celles adoptées par les nouvelles générations. Sur le plan politique, les transformations sont également de taille, si l’on pense au délestage des États-nations au profit d’accords internationaux, sans oublier une nouvelle géopolitique où s’imposent un nombre de plus en plus grand de pays émergents sur le plan économique. L’apparition d’une économie de la connaissance et des services a entraîné une transformation du monde du travail. L’ouvrier, qui constituait la base du syndicalisme industriel, n’occupe plus la place centrale.

Une fois que la mesure de ce nouvel environnement aura été prise, le travail de réflexion et d’analyse devrait porter sur les principales dimensions de la social-démocratie et chercher à montrer comment elles peuvent être organisées de façon à former un système cohérent. Plusieurs thèmes sont proposés à une réflexion collective. Ils vont de la base sociale nécessaire au soutien d’une expérience social-démocrate aux valeurs à prioriser, en passant par le rôle de l’État et le modèle de développement. Nous sommes persuadés que la société québécoise sera mieux en mesure d’affronter les défis qui se posent aujourd’hui au sortir du brassage d’idées auquel nous la convions.

Le colloque national qui se tiendra l’année prochaine en présence d’invités internationaux sera organisé sous la présidence conjointe de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et de la Chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie, avec la participation de chercheurs du CERIUM, de l’Observatoire de l’administration publique de l’ÉNAP et des Éditions Vie Économique.




Présentation de la coalition

NOUVEAU : Pour vous inscrire et recevoir tous les nouveaux numéros de la veille sur la social-démocratie dès sa sortie, merci d’écrire à l’adresse suivante  :

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La réflexion sur le renouvellement de la social-démocratie sera portée dans le cadre d’une aventure intellectuelle originale. Un consortium de recherche va se concerter pour conduire durant toute l’année des travaux qui prendront en charge l’un ou l’autre des grands questionnement soulevés par le texte de référence lancé par Benoît Lévesque, Michel Doré, Marilyse Lapierre et Yves Vaillancourt. Co-responsables, sous la coordination de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Robert Laplante), de la mise en œuvre d’une programmation de travail qui fera une large place aux échanges et aux débats entre chercheurs et acteurs de la société civile, les membres et participants de ce consortium de recherche seront appelés à faire paraître sur le site Internet des textes faisant état de l’avancement de la réflexion. Divers événements vont ponctuer le parcours qui devrait déboucher sur un grand rendez-vous public à l’automne 2010. Le consortium est formé des membres suivants : le CÉRIUM (Pascale Dufour), la Chaire du Canada Mondialisation, citoyenneté et démocratie (Joseph-Yvon Thériault, titulaire), l’Observatoire de l’Administration publique ( Louis Côté, directeur), les Éditions Vie Économique (Gilles Bourque, coordonnateur) et de deux équipes de partenaires, dont l’une réunie autour de Denise Proulx, de GaïaPresse, et Lucie Sauvé, de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative en environnement, et l’autre rassemblée autour de Christian Jetté de l’Université de Montréal et Lucie Dumais de l’UQAM.

 


Agenda

 

Editorial

L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. Le Québec est rendu à l’un de ses moments.



 



 

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