Le rapport à l’environnement est une dimension transversale fondamentale de nos sociétés : environnement comme « nature », comme « écosystèmes », comme « territoire », comme « milieu de vie », comme « ressources », comme un ensemble de « problèmes », etc. Les questions socio-écologiques traversent les initiatives de tous types et occupent désormais l’avant-scène de l’espace public, soulignant la nature politique de l’environnement, « chose publique » par excellence.
Lucie Sauvé, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement
Le rapport à l’environnement est une dimension transversale fondamentale de nos sociétés : environnement comme « nature », comme « écosystèmes », comme « territoire », comme « milieu de vie », comme « ressources », comme un ensemble de « problèmes », etc. Les questions socio-écologiques traversent les initiatives de tous types et occupent désormais l’avant-scène de l’espace public, soulignant la nature politique de l’environnement, « chose publique » par excellence.
En particulier, les liens étroits entre santé et environnement sont plus que jamais mis en lumière, par exemple, à travers les questions agro-alimentaires. Également, dans un pays où l’économie est encore en grande partie de type extractive, les modes d’exploitation des « ressources naturelles » apparaissent essentiellement préoccupants : la pêche, les mines, la foresterie, l’énergie, etc. L’occupation du territoire a été déterminé par un certain modèle économique menant à l’exploitation abusive des ces ressources ; dont plusieurs sont aujourd’hui confrontées à leur pénurie. A travers les choix de production et de consommation, la notion d’équité est maintenant envisagée dans la perspective plus large de l’équité socio-écologique, et cela interpelle entre autres la place des autochtones dans un territoire partagé et au sein de notre société post-moderne.
A cet effet, on prend de plus en plus conscience des liens entre la culture et l’environnement, alors que les perturbations de notre rapport au territoire sont jumelées à un questionnement identitaire collectif qui s’accentue au sein d’une société désormais métissée, aspirée dans un univers d’interactions virtuelles et dans lequel l’appartenance au milieu de vie se transforme radicalement.
Enfin, l’histoire de notre rapport collectif à l’environnement – au cours des dernières décennies - met en évidence le rôle essentiel des citoyens « lanceurs d’alertes » et des groupes de pression dans la prise en compte des problèmes et risques environnementaux par les décideurs et l’adoption de mesures préventives. C’est l’action citoyenne courageuse – trop souvent isolée, mais maintenant de plus en plus solidaire – qui a permis les premières avancées en matière de politiques publiques environnementales. D’où l’importance de renforcer la dynamique de démocratie participative au sein de notre société, et plus encore de favoriser l’engagement citoyen dans la reconstruction de notre monde.
Dans le cadre du chantier RAPPORT À L’ENVIRONNEMENT – qui dépasse le rapport biophysique à la nature pour y intégrer une dynamique des rapports sociaux – il nous apparaît essentiel d’aborder les questions suivantes, de l’ordre des fondements et pratiques :
1) Quels fondements peuvent inspirer l’amélioration ou la reconstruction de notre rapport individuel et collectif à l’environnement ?
2) Quelles stratégies politiques (de quelle nature ? de quelle portée ?) peuvent favoriser la reconstruction ou l’amélioration de notre rapport social à l’environnement ? Lesquelles apparaissent plus urgentes à mettre en place ?
3) Comment stimuler l’engagement solidaire des groupes sociaux et des communautés en matière d’environnement ? Comment faire en sorte que l’action socio-écologique s’inscrive dans une dynamique politique d’amélioration ou de reconstruction du rapport social à l’environnement ?
Les fondements du rapport à l’environnement
En ce qui concerne la première question, qui se penche sur les fondements, on peut la reformuler ainsi : Dans quel champ de significations choisira-t-on d’inscrire notre rapport à l’environnement ? Quelles seront les visées de nos choix collectifs en matière d’environnement ? Le cadre de référence du « développement durable » a désormais envahi l’espace public et c’est dans ce cadre que le rapport à l’environnement est traité et interprété, tous azimuts. Quelles avancées l’adoption du programme politico-économique « développement durable » a-t-elle permis de réaliser ? Quels en sont les possibilités, les limites et les pièges ? À la recherche de fondements, il importe d’ouvrir un espace de discussion collective sur le bien-fondé de cette proposition hégémonique, qu’il est désormais considéré comme tabou d’aborder dans une perspective critique. Ce chantier du Rapport à l’environnement nous apparaît comme une occasion privilégiée d’explorer le « patrimoine » de la pensée écologiste ou environnementaliste qui s’est déployée au cours des 50 dernières années (et plus avant) afin de récupérer les éléments de proposition qui sont de nature à inspirer – ou revoir - les fondements de notre rapport à l’environnement. La vie s’est installée sur terre dans la diversité des espèces, tant végétales qu’animales, et elle s’est ensuite déployée dans la diversité des populations humaines et des cultures. Nous croyons que c’est dans l’ouverture à la diversité des visions du monde, dans la capacité de porter un regard critique sur les « lieux communs » de notre discours environnemental et celle de stimuler l’imaginaire politique que s’ancrera le mieux notre apport à la reconstruction d’une démocratie sociale au Québec.
Le cadre politique du rapport à l’environnement
La deuxième question nous amène à examiner le cadre politique, législatif et réglementaire dans lequel s’inscrit le rapport à l’environnement au sein de notre société. Il est question d’y porter un regard dans une perspective de saisie structurelle, afin de mettre au jour les aspects favorables et défavorables à la prise en charge collective des réalités et des problèmes socio-écologiques. Si des aménagements spécifiques s’imposent à court terme, une vision d’ensemble permettrait de saisir les changements nécessaires dans l’« appareil » d’état pour optimaliser notre rapport collectif à l’environnement. Il s’agit essentiellement d’identifier les « verrous » majeurs et les forces en présence, et d’installer un espace pour l’exercice d’un véritable pouvoir citoyen, au-delà des modèles de consultations actuels qui, de toute vraisemblance, ont besoin d’être redéfinis pour que cessent les jeux de coulisses qui en amoindrissent la portée et la crédibilité.
L’engagement solidaire en matière d’environnement
La troisième question nous amène sur le terrain des pratiques actuelles, à l’échelle des groupes sociaux et des communautés. Le Québec est un foyer extraordinaire de créativité pour inventer et mettre en œuvre des pratiques alternatives (modes de vie, économie – dont le commerce -, santé, culture, etc.) qui influencent notre rapport à l’environnement. Dans la perspective de stimuler l’engagement des groupes sociaux et des communautés en matière d’environnement, il importe de célébrer les initiatives existantes et de valoriser les diverses formes d’innovation qui améliorent notre rapport à l’environnement. Il importe aussi de mettre en évidence le caractère politique de telles initiatives ou projets, incluant certes celles qui se situent à l’échelle domestique ou locale. Comment l’action socio-écologique peut-elle être un creuset d’action politique au sein des communautés ? Quelles stratégies adopter pour favoriser cela ? En quoi ces actions solidaires sont-elles porteuses d’un renouvellement de la démocratie sociale ?
Ici intervient en force l’éducation populaire et communautaire, dont on doit reconnaître la fonction sociale essentielle (dont la fonction politique) et à laquelle il importe de donner un élan majeur. Certes, le rôle de l’éducation formelle est également déterminant. On constate aisément que l’éducation est un puissant moyen de contrôle social – pour le meilleur et le pire. S’il est question de développer une écocitoyenneté, de stimuler la participation collective aux débats et aux projets relatifs à l’environnement, d’instaurer une démocratie participative, en somme d’opérer un changement culturel majeur à cet effet, l’éducation se retrouve au cœur de nos préoccupations.
Pour tenter de construire collectivement des réponses aux trois questions de départ – et aussi dans la perspective plus fondamentale de reformuler s’il y a lieu ces questions – le Chantier « Rapport à l’environnement » adoptera pour l’année qui vient les stratégies suivantes :
A) Un premier séminaire permettra d’échanger et de débattre de différentes propositions ou cadre de référence en vue d’éclairer une démarche de construction ou de reconstruction de la signification de notre rapport à l’environnement. En particulier, seront explorés les divers courants qui se rattachent au champ de l’écologie politique, dont l’écosocialisme, l’écologie sociale et l’éco-développement. Les apports des champs de l’ethno-écologie et de l’écoféminisme seront également analysés, car ils permettent d’inclure la question du genre et la diversité culturelle dans les réflexions sur les fondements de notre rapport à l’environnement. Ce séminaire visera à mettre en lumière la diversité des cadres de référence, qui seront mis en lien de complémentarité ou de contraste avec la proposition québécoise du développement durable. Le but n’est pas d’en arriver à un consensus, mais de mettre en évidence la diversité des courants de pensée et d’en célébrer la richesse, de stimuler l’esprit critique, de libérer l’imaginaire économico-politique, d’éliminer (à tout le moins, de débusquer) la langue de bois et les faux-fuyants. Au bout du compte, il s’agit de s’approprier un ensemble de références permettant de mieux réagir face aux prescriptions politiques et de juger du bien-fondé de leur intégration au sein d’une social-démocratie. Également, il s’agit d’éclairer nos choix délibérés d’adoption d’un cadre de référence et d’un certain discours pour traiter collectivement des questions socio-écologiques dans une perspective de démocratie sociale.
B) Ces séminaires donneront lieu à la production et pré-publication de textes (exploration des divers cadres de référence ; analyse des discours et des pratiques s’y rattachant) qui seront partagés sur le site WEB du chantier, de façon à stimuler la poursuite de la discussion.
C) Un deuxième séminaire – portant sur la deuxième question - aura pour but de dresser un portrait sommaire du système politique qui enchâsse actuellement notre rapport à l’environnement. Des pistes de transformation seront proposées, en particulier en ce qui concerne la mise en place de stratégies favorisant la démocratie participative.
D) En lien avec la troisième question, les acteurs du Chantier « Rapport à l’environnement » se joindront à un Colloque portant sur l’Éco-alimentation (plus spécifiquement sur l’éducation populaire et communautaire en matière d’éco-alimentation), organisé par la Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement, et mettant en lumière des initiatives novatrices et porteuses. Il s’agira de saisir comment des projets, programmes et innovations de ce type, répartis à travers les régions du Québec, peuvent inspirer et soutenir le renouvellement de la démocratie sociale au Québec.
Plusieurs types d’acteurs seront sollicités pour participer aux travaux du Chantier, en provenance du milieu de l’environnement, mais aussi de l’économie solidaire, de l’éducation, de la culture, des médias, des ONG, etc. Nous porterons attention à la présence autochtone. Il s’agit de favoriser la diversité des regards et le croisement des savoirs.
NOUVEAU : Pour vous inscrire et recevoir tous les nouveaux numéros de la veille sur la social-démocratie dès sa sortie, merci d’écrire à l’adresse suivante :
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La réflexion sur le renouvellement de la social-démocratie sera portée dans le cadre d’une aventure intellectuelle originale. Un consortium de recherche va se concerter pour conduire durant toute l’année des travaux qui prendront en charge l’un ou l’autre des grands questionnement soulevés par le texte de référence lancé par Benoît Lévesque, Michel Doré, Marilyse Lapierre et Yves Vaillancourt. Co-responsables, sous la coordination de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Robert Laplante), de la mise en œuvre d’une programmation de travail qui fera une large place aux échanges et aux débats entre chercheurs et acteurs de la société civile, les membres et participants de ce consortium de recherche seront appelés à faire paraître sur le site Internet des textes faisant état de l’avancement de la réflexion. Divers événements vont ponctuer le parcours qui devrait déboucher sur un grand rendez-vous public à l’automne 2010. Le consortium est formé des membres suivants : le CÉRIUM (Pascale Dufour), la Chaire du Canada Mondialisation, citoyenneté et démocratie (Joseph-Yvon Thériault, titulaire), l’Observatoire de l’Administration publique ( Louis Côté, directeur), les Éditions Vie Économique (Gilles Bourque, coordonnateur) et de deux équipes de partenaires, dont l’une réunie autour de Denise Proulx, de GaïaPresse, et Lucie Sauvé, de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative en environnement, et l’autre rassemblée autour de Christian Jetté de l’Université de Montréal et Lucie Dumais de l’UQAM.
L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. Le Québec est rendu à l’un de ses moments.