A la suite de la publication de notre texte sur le site d’OikosBlogue et la version abrégée parue successivement dans Le Devoir du 2 septembre et du 3 septembre, nous avons reçu plusieurs commentaires intéressants et pertinents auxquels nous donnons suite aujourd’hui.
Notre invitation à s’inscrire dans un chantier pour renouveler la social-démocratie suppose que l’on a tenu pour acquis deux propositions préalables. Notre démarche s’inscrit dans une longue tradition politique réformiste plutôt que dans une tradition révolutionnaire visant le renversement de l’État et l’éradication du système capitaliste, y compris de l’économie de marché. La seconde question, consécutive au choix de la social-démocratie comme démarche réformiste, est celle de savoir si l’on doit mettre l’accent sur la réaffirmation de la social-démocratie, telle qu’elle a été expérimentée par divers gouvernements sociaux-démocrates, ou sur son renouvellement comme le suggère une analyse à la fois des transformations sociales, politiques et économiques et des limites rencontrées par ces mêmes expériences sociaux-démocrates qui explorent actuellement de nouvelles voies.
A la suite de la publication de notre texte sur le site d’OikosBlogue et la version abrégée parue successivement dans Le Devoir du 2 septembre et du 3 septembre, nous avons reçu plusieurs commentaires intéressants et pertinents auxquels nous donnons suite aujourd’hui.
Notre invitation à s’inscrire dans un chantier pour renouveler la social-démocratie suppose que l’on a tenu pour acquis deux propositions préalables. Notre démarche s’inscrit dans une longue tradition politique réformiste plutôt que dans une tradition révolutionnaire visant le renversement de l’État et l’éradication du système capitaliste, y compris de l’économie de marché. La seconde question, consécutive au choix de la social-démocratie comme démarche réformiste, est celle de savoir si l’on doit mettre l’accent sur la réaffirmation de la social-démocratie, telle qu’elle a été expérimentée par divers gouvernements sociaux-démocrates, ou sur son renouvellement comme le suggère une analyse à la fois des transformations sociales, politiques et économiques et des limites rencontrées par ces mêmes expériences sociaux-démocrates qui explorent actuellement de nouvelles voies.
Réformisme ou révolution ?
La révolution telle que définie au 19e siècle et au début du 20e comme projet de changement politique a perdu sa crédibilité en particulier dans les dernières décennies. Si elle a déjà représenté un espoir, c’était au début de la société industrielle lorsque les rapports de classe apparaissaient totalement antagoniques et s’appuyaient sur une exploitation extrême de la classe ouvrière, sans moyens démocratiques pour les modifier. Le réformisme pouvait alors apparaître pour beaucoup comme une position de repli, et même comme une trahison des idéaux d’émancipation de la classe dominée. Aujourd’hui, le projet d’une révolution radicale et violente n’est plus crédible. La preuve historique a été faite que dans les sociétés modernes, avec les outils de la démocratie représentative et l’expression des mouvements sociaux, des progrès sont possibles pour réduire les inégalités et faire avancer la justice sociale. En ce sens, le développement de l’État-providence peut être vu comme un compromis historique entre le capital et le travail propre à la société salariale et comme le produit de luttes sociales qui ont permis l’accès à de nouveaux droits et l’amélioration des conditions de travail et de vie. C’est donc dire que si on est favorable à des changements sociaux importants, on est nécessairement réformiste plutôt que révolutionnaire selon la conception qu’on s’en faisait dans le passé.
Le concept de socialisme a perdu une grande partie de sa signification. Même s’il a inspiré divers mouvements sociaux et qu’il a été à la source de plusieurs progrès, il est maintenant trop marqué et hypothéqué par l’expérience du socialisme réel qui a conduit au totalitarisme. Malgré les tentatives pour définir un socialisme démocratique, le socialisme a été identifié à un État centralisé plus ou moins autoritaire, à la propriété collective (c’est-à-dire étatique) des moyens de production, à la négation du rôle positif des marchés, au progrès indéfini des forces de production qui devaient satisfaire tous les besoins et à une base ouvrière exclusive . Il ne correspond plus maintenant, et notamment au Québec, à une sensibilité politique significative et porteuse d’espoirs.
On doit constater que face aux grandes transformations actuelles, il existe deux types de réformisme : un réformisme de droite et un réformisme de gauche. Le premier cherche à remettre en question les améliorations et les progrès sociaux apportés par le réformisme de gauche depuis l’après seconde guerre mondiale .Il considère que l’État social, les droits sociaux, les règlementations notamment celles concernant le travail, constituent autant d’entraves au marché et à son mécanisme autorégulateur, la concurrence parfaite. Dans cette perspective, le réformisme de droite représente une sorte de contre-réforme visant à réinstaurer l’autorégulation marchande et à donner priorité à l’initiative individuelle, à limiter l’égalité au nom de la liberté.
La direction des réformes proposées par le réformisme de droite appelle donc .a une défense des principes à la base des réformes de gauche d’après guerre. Cependant le réformisme de gauche ne peut se limiter à la seule défense du statu-quo. Il doit prendre au sérieux le nouvel état du marché (mondialisation et financiarisation) ainsi que les graves menaces qui pèsent sur l’environnement. Dans un cadre d’économie plurielle, le réformisme de gauche accepte le marché tout en refusant les effets destructeurs d’une régulation exclusivement marchande. Il doit aussi innover pour retrouver sa crédibilité et sa capacité de mobiliser dans un univers politique où les frontières entre la droite et la gauche sont souvent brouillées, sans oublier le cynisme largement répandu dans la population.
Réaffirmer ou renouveler la social-démocratie ?
Notre choix de la social-démocratie repose sur le constat que ce sont les régimes sociaux-démocrates qui ont conduit à plus de progrès réels, plus d’égalité, de justice sociale, de démocratie, de conscience citoyenne et une meilleure qualité de vie, grâce au cercle vertueux entre progrès social et progrès économique. Dans cette perspective, nous sommes pour une réaffirmation d’une voie qui a misé sur les grandes valeurs d’égalité, de liberté et de solidarité et qui a su les faire partager par le dialogue social, sans nier les conflits sociaux et par le renforcement de la démocratie. Face à la crise actuelle, ces régimes qui sont en partie remis en question ne sont-ils pas ceux qui s’en tirent finalement le mieux ?
En revanche, cette réaffirmation nécessite aussi la capacité de prendre en charge de nouveaux défis dans un contexte tout à fait différent de celui de l’après guerre. On doit donc parler aussi d’un indispensable renouvellement de la social-démocratie..Il est urgent de donner un sens nouveau aux valeurs porteuses de ces changements et d` imaginer des solutions à la mesure de sociétés de plus en plus diversifiées, plus complexes et ouvertes sur le monde.
On ne peut pas ignorer que le modèle traditionnel de social-démocratie a atteint des limites historiques et qu’il subit des défaites depuis deux décennies dans un grand nombre de pays du Nord. Il faut mieux analyser les causes de ces reculs et aussi les moyens que l’on utilise actuellement pour y faire face .Par contre, dans certains pays du Sud, notamment en Amérique latine, on assiste à des expériences novatrices qu’il faudrait mieux connaître et partager.
Une démarche ouverte et inclusive
Les textes que nous avons publiés ne visaient pas à être exhaustif, à traiter toutes les questions de façon satisfaisante et à donner des solutions. Nous sommes conscients de leurs limites. Plusieurs nous ont signalé avec raison ce qui pouvait sembler des omissions.
Nous présentons un cadre de réflexion que nous souhaitons stimulant et mobilisateur. Nous constatons déjà que cela répond à un besoin urgent pour beaucoup de personnes engagées dans la réflexion et dans l’action. Nous espérons que les chantiers qui seront mis en place et les thèmes qui seront débattus couvriront un champ suffisamment large, que toutes les grandes questions seront abordées dans leur spécificité et leur complémentarité. A titre d’exemple, il est évident pour nous que les enjeux de l’environnement seront déterminants pour l’avenir de nos sociétés et de la planète et qu’ils nous amèneront à renouveler complètement notre définition de la croissance et du développement. Comme le souligne un des commentaires reçus, les outils et les processus de la démocratie devront être améliorés, transformés et complétés par de nouvelles façons de faire.
La démarche proposée ne part pas de rien. Nous avons déjà dit que deux démarches devraient se rejoindre et s’autoféconder. Une démarche déductive qui partant des grands principes se met à la recherche de nouvelles solutions, propose de nouvelles priorités et réformes. Une démarche plus inductive qui partant des expériences concrètes, d’initiatives nouvelles de la société civiles, des nouveaux mouvements sociaux économiques, de nouvelles façons d’harmoniser les politiques sociales et les politiques économiques.
Pour terminer, il faut insister sur le fait que cette démarche sera riche et productive à la condition de savoir mobiliser le plus grands nombre de leaders et militants des divers milieux, autant dans la préparation, que dans la tenue des événements et dans les suites au sein de la société québécoise. Nous avons soulevé des questions et proposé des solutions de renouvellement de la social-démocratie dans une perspective non partisane. L’invitation est lancée à toutes les personnes qui souhaitent participer aux diverses étapes de cette réflexion collective.
NOUVEAU : Pour vous inscrire et recevoir tous les nouveaux numéros de la veille sur la social-démocratie dès sa sortie, merci d’écrire à l’adresse suivante :
listproc@uqam.ca
Vous écrivez dans le corps du texte seulement ET en une seule ligne :
subscribe veillesd prénom nom
************************
La réflexion sur le renouvellement de la social-démocratie sera portée dans le cadre d’une aventure intellectuelle originale. Un consortium de recherche va se concerter pour conduire durant toute l’année des travaux qui prendront en charge l’un ou l’autre des grands questionnement soulevés par le texte de référence lancé par Benoît Lévesque, Michel Doré, Marilyse Lapierre et Yves Vaillancourt. Co-responsables, sous la coordination de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Robert Laplante), de la mise en œuvre d’une programmation de travail qui fera une large place aux échanges et aux débats entre chercheurs et acteurs de la société civile, les membres et participants de ce consortium de recherche seront appelés à faire paraître sur le site Internet des textes faisant état de l’avancement de la réflexion. Divers événements vont ponctuer le parcours qui devrait déboucher sur un grand rendez-vous public à l’automne 2010. Le consortium est formé des membres suivants : le CÉRIUM (Pascale Dufour), la Chaire du Canada Mondialisation, citoyenneté et démocratie (Joseph-Yvon Thériault, titulaire), l’Observatoire de l’Administration publique ( Louis Côté, directeur), les Éditions Vie Économique (Gilles Bourque, coordonnateur) et de deux équipes de partenaires, dont l’une réunie autour de Denise Proulx, de GaïaPresse, et Lucie Sauvé, de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative en environnement, et l’autre rassemblée autour de Christian Jetté de l’Université de Montréal et Lucie Dumais de l’UQAM.
L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. Le Québec est rendu à l’un de ses moments.